Nouvelle journée, nouvelle vie

*Ha! c'est bien la meilleure façon d'oublier son passé et ses problèmes.*
.Kylian avait passé tout son après-midi à travailler aux Ecuries Royales. Il s'était occupé de beaucoup d'animaux enfin de se procurer un peu d'argent mais surtout pour penser à autre chose. Il était rentré depuis deux jours des montagnes où il avait fait son deuil de sa femme et son fils. Il redécouvrit les lieux comme s'il les voyait pour sa première fois, tout était beaucoup plus calme mais les gens qui normalement à cette époque de l'année s'accumulaient dans les écuries, n'étaient que très peu présents. Le soleil commençait à décliner à l'horizon. Et il était fatigué, très fatigué. Alors qu'il commencait à ranger ses affaires, il eut une impression très étrange, il sentait une odeure, non un parfum, le parfum qu'il connaissait depuis si longtemps, le parfum de sa femme

Le soleil se déclinait en une palette de couleurs chaudes sur la ville d'Yrän, capitale du Royaume Humain. Partout les gens se pressaient pour retrouver la chaleur de leur maison. A la tombée du jour, la température descendait vite. Si vite qu'on était rapidement surpris pas une bise glacée.
Dans les écuries, une douce chaleur régnait. Elle était due à la présence des chevaux royaux, du fumier et de l'activité de l'après midi. Les odeurs des équidés et du foin étaient presque étouffantes.
Soudain un vent frais s'immisça dans les lieux et une silhouette sombre s'infiltra à l'intérieur. Elle contempla l'endroit avec satisfaction puis avança vers un homme courbé sur des affaires. L'ombre retira son capuchon, dévoilant un visage blanc. Ses longs cheveux noirs et souples tombèrent en une cascade de ténèbres autour de ses épaules. Malgré le froid, elle n'avait pas le visage rougi, il était d'un blanc presque translucide et cela faisait ressortir son regard d'ébène. La femme resta plantée au milieu de l'écurie, elle jaugea un étalon aussi sombre que sa chevelure qui renacla mais finit par se laisser caresser. Un sourire s'étira sur les lèvres minces de l'étrangère.

.Kylian était dans un état qu'on ne saurait imaginer. Il savait qu'une personne se tenait derrière lui: Drofy son cheval avait henni. Il ne put s'empêcher de se retourner tant le parfum de cette femme l'attirait. Lorsqu'il fit un demi-tour sur lui-même, une jeune femme lui souriait avec une sourire éclatant, il avait l'impression qu'elle brillait. Elle était magnifique avec ses cheveux et ses yeux si attachant et c'est peu dire. De plus elle ressemblait tellement à sa femme... Il fallit en perdre l'équilibre.

Je...je peux vous aider? balbutia-t-il

Il se trouvait variment maladroit et se traitait d'abruti d'avoir begayer

La silhouette fine se tourna vers l'homme. Il semblait plus gêné qu'autre chose par sa présence. Désireuse de ne pas être la cause de bégaiement, la jeune femme cessa de sourire et prit un ton sérieux.

« Je cherche à acquérir un cheval. »

Talim détailla son interlocuteur maladroit. Grand, musclé, les cheveux d'un brun luisant et des yeux verts saisissants, il semblait rompu aux combats. Un frisson la parcourut mais elle le calma. Elle ne risquait plus d'être arrêtée grâce à l'intervention de Loup Noir en sa faveur. Caressant distraitement le cheval noir qui semblait sous le charme de l'espionne, elle continua sur sa lancée:

« Noir de préférence, obéissant mais pas soumis... »

A cet instant, un tigre blanc fit son entrée dans les écuries. Les chevaux aux alentours s'affolèrent et la femme aux longs cheveux se retourna, furibonde. Elle pointa un doigt vers la sortie et fusillant son félin du regard, elle lui ordonna de sortir.

« On avait dit que tu attendais dehors ! »

Kazan repartit de mauvaise grâce non sans avoir claqué des dents près d'une jeune pouliche alezan qui hennit de terreur. Enfin le calme revint, la tension diminua et Talim se retourna vers l'homme.

« Avez-vous un cheval qui convienne ? »

Son regard se porta sur l'étalon sombre, il semblait correspondre aux critères physiques mais qu'en était-il du caractère ?

.Kylian restait stupéfié, le timbre de sa voix était envoutant, douce et calme. Ses paroles raisonnaient dans sa tête, il tenta en vain de se ressaisir mais sans grand succès. L'apparition d'un tigre dans les Ecuries Royal l'étonna plus qu'il ne effraya, contrairement à tous les chevaux. L'animal n'avait pas l'impression d'être en position de combat mais .Kylian resta tout de même sur ses gardes. Cependant lorsque la jeune femme avait interpellé son animal, l'ordre avait claqué. Comment pouvions-nous être aussi calme et aussi strict? .Kylian n'aurait jamais immaginer en cette femme une telle puissance.

Vous trouverez énormément de chevaux dans ces Ecuries mais la partie qui vous intéressera le plus se situe à l'entrée: ces chevaux ne sont pas peureux et avec votre tigre je pense que ce sera le mieux. De plus ils sont très bien élevé et bien traité. Permettez-moi de vous dire que vous avez l'aire de vous y connaître, mon cheval est sous le charme. Finit-il par expliquer du meux qu'il le put avec toute ces années souvent sans contact avec d'autre humain.

Lui aussi était sous le charme... Il attendit quelques instants puis demanda

Auriez-vous la gentillesse de de me dire votre nom? j'ai l'impression de vous connaître. Vous êtes ravissante si je peux me permettre.

Ne répondant pas au compliment, Talim se dirigea vers l'entrée. D'une voix indifférente, elle lança:

« Je m'appelle Talim. »

Elle reporta son attention sur les chevaux. L'étalon noir était donc le sien. La déception lui pinça le coeur, elle aurait bien aimé l'acquérir. La femme détailla chaque animal avec une morne indifférence, aucun ne convenait vraiment à ses critères.
Elle allait raler contre le pauvre homme mais son regard s'arrêta sur une petite jument. Son corps était fin, si fin qu'elle pensa qu'il allait se briser. Des muscles longs luisaient sous sa peau d'un noir de jais, plus noire encore qu'une nuit sans étoiles. Sa tête fine et petite se tourna vers l'humaine qui sentit son coeur s'arrêter. Deux yeux vifs et intelligents croisèrent les siens, le contact passa immédiatement. La petite jument s'approcha, quittant le fond de sa stalle pour approcher l'inconnue.
Lorsque Talim avança la main pour lui toucher les naseaux, elle recula en couchant les oreilles. Elle devait être jeune mais prometteuse. L'équidé se réavança et elle put enfin la caresser. Le contact se révéla extrémement doux, on eut dit de la soie sombre.
La jeune femme se tourna alors vers l'inconnu et lui dit en désignant la jument:

« Je crois que je vais prendre celle là. »

A présent sa main allait et venait sur l'encolure noire. Plus les secondes s'écoulaient et plus la jeune femme découvrait cette petite jument. Elles se ressemblaient étrangement. L'animal posa paresseusement sa tête contre son épaule et soupira de contentement. Talim sourit puis ajouta à l'adresse de l'homme:

« Mon choix est fait, combien pour cette merveille ? »

*Talim. Joli nom pour une si belle femme. roh mais qu'est-ce que je dis! Je ne la connais que depuis dix minutes...ressaisit toi .kylian*
Après s'être exprimé sur sa beauté il s'en était voulu, il n'aurait jamais dû. Elle était repartie d'où elle venait, tout simplement. Il la suivait à quelques mètres derrière d'elle, les box étaient remplis mais elle n'avait pas l'aire d'apprécier. Plus l'entrée approchée, plus le froid devenait intense. Alors que .Kylian allait poser sa main sur son épaule droite pour s'excuser de son comportement, elle vit une jument arrivée étrangement la veille: elle était venue seule. Personne ne la connaissait, de plus elle était d'un comportement loin d'être aimable. Quand .Kylian vit cette étrangère passer sa main tout le long de l'encolure d'un noir intense comme celui des cheveux de Talim, il en resta hébahi et mit quelques temps avant de répondre.

Elle n'appartient à personne, elle est arrivée hier d'un petit trot agréable. Le dirigeant des Ecuries en a pris la pension. Il vous la vendra pour peu d'argent, c'est un ami de longue date et cette jument et n'est pas très docile. Souhaitez-vous la monter j'ai l'impression qu'elle vous aime bien. Je peux me charger de vous la préparer.

.Kylian était vraiment très fatigué et ne demanda cela que pour se faire pardonner.

Prolongeant les caresses jusqu'au garrot, Talim écouta le récit de cette jument. Un détail la fit sourire, cette petite dame n'était pas très docile... Elle non plus, elles feraient un drôle de trio avec Kazan. Lorsque l'homme proposa de la monter, la jeune femme n'hésita pas.

« Ca me plairait beaucoup de l'essayer. »

Un nouveau sourire naquit sur son visage blanc, elle l'offrit à ce pauvre homme qui tentait de se faire pardonner pour une raison inconnue à l'espionne. Elle leva un doigt et ajouta à son adresse:

« Par contre je préfère la préparer, je veux voir comment elle se comporte avec les étrangers dans son box. »

Elle leva un sourcil suspicieux et continua:

« Si ça ne gêne personne bien sûr. »

La jument s'éveilla de son petit somme et plongea ses naseaux dans le cou de Talim qui éclata de rire, le souffle chaud de l'animal lui caressait la peau agréablement.

Bien sûr que non répondit .Kylian sans hésiter. Vous trouverez ses équipement dans la sellerie en face de son box. Un café vous y attendra si vous le voulez. C'est moi qui l'ai fait donc je ne sais pas vraiment si vous allez l'aimer... Néanmoins, faîtes attention à vous je vous en prie. Appellez-moi quand vous aurez fini de seller la jument.

Pensant qu'elle devait avoir froid, il enleva sa cape noire qui se fondait parfaitement avec les cheveux de l'étrangère et la passa sur ses épaules. Ne sachant comment elle allait réagir, il prit le parti de faire marche arrière doucement afin de ne pas brusquer la bête.
A la sortie il prit à droite, fit quelques mètres puis, s'assit à terre. La tête plongée dans les mains: il pleurait, doucement, en silence, seul.

Aspirée par le regard étonnament intelligent de l'équidé, Talim perçut cependant la cape se poser sur ses épaules. Le contact la raidit, la raison du geste de l'homme lui échappa. Elle ne pipa mot et s'éloigna de la stalle d'un pas raide pour se diriger vers la sellerie. Elle trouva sans peine l'équipement de la jument et ne jeta qu'un bref regard au liquide noirâtre et fumant posé sur la chaise.
La jeune femme ressortit aussitôt, la selle sous le bras et le filet dans la main. Silencieusement, elle s'approcha de la jument. Lui flattant l'encolure et lui murmurant des paroles secrètes, elle la sella sans problème. Au moment de poser son harnachement, la petite jument s'énerva. Elle renacla et partit au fond du box. Talim sortit sans un mot, déposa les cuirs à terre et rerentra. Aussitôt, l'animal s'approcha d'elle en hennissant sourdement. Elle caressa le chanfrein soyeux puis ressortit pour récupérer le filet. Cette fois, elle ne se rebiffa pas. Un sourire traversa le visage de l'espionne, un peu d'amour et de patience suffirait à cette merveille.
Une fois qu'elle fut prête, Talim sortit du box et ferma soigneusement derrière elle. Cherchant l'inconnu, elle sortit des écuries et balaya la rue du regard. Elle l'aperçut alors, assis, la tête dans les mains. Un instant elle crut qu'il riait mais les larmes qu'elle vit rouler le long de ses joues masquées lui démentirent sa pensée. Elle s'agenouilla et posa sa main fraîche sur le bras de l'homme. Elle chercha son regard et dit d'une voix simple en souriant légèrement:

« J'ai fini. »

Elle ignorait la cause de ses larmes et ne souhaitait pas l'apprendre sans son accord. Aussi avait-elle choisi de faire comme s'il n'avait pas un visage baigné de tristesse et d'agir normalement.

Le premier contact. .Kylian sentit un frisson parcourir tout son corps. Cela lui fit l'effet d'une secousse intérieur, lui faisant rappeller de vieux souvenirs. Depuis quand n'avait-il pas était touché par une personne? Elle était frigorifiée. Elle souriait et elle était frigorifiée! Il essaya de sécher ses larmes du mieux qu'il put en espérant qu'elle ne l'avait pas remarqué.
Vous avez vraiment très froid! Pourquoi ne pas me l'avoir dit? Ne bougez surtout pas je vais chercher une nouvelle cape.

Toujours sans attendre de réponse, car il savait qu'elle aurait dit non, il partit en courant chercher la cape la plus chaude qu'il avait dans ses affaires. Il la trouvait: elle était noire comme toutes les siennes mais avec une double épaisseur achetée lors son séjour dans les montagnes.
Il revint et la retrouva toujours en train de sourire. .Kylian passa derrière elle et la lui déposa avec délicatesse. Son parfum était encore plus abondant car il se tenait près d'elle. Il respira un grand coup et se remit devant cette femme qui avec la couleur de sa peau: blanche, et ses vêtements noirs offraient un contraste saisissant.

Vous avez réussis alors, bravo! Je n'en doutais pas. Allons-y mais promettait moi de faire très attention. Je vous regarderai et au moindre problème criez haut et fort .Kylian. Avait-t-il dit tout en essayant de cacher ses émotions.

Talim le regarda s'affairer pour trouver une autre cape plus chaude. Cela la fit sourire, elle n'avait pas froid. Depuis toute petite, elle avait toujours eu la peau froide. Cependant elle accepta l'aide sans rechigner et retourna dans les écuries pour chercher la jument. Cette dernière semblait impatiente de la voir, elle hennit à son approche et souffla dans le cou de la femme.
D'une main douce mais ferme, elle saisit les rênes et se jucha sur la selle. L'animal tressaillit mais ne broncha pas, puis avec une légère pression partit au pas dans le couloir dallé. Elles sortirent au grand jour, le soleil baignait la rue d'une éblouissante clarté ce qui brouilla légèrement leur vue.
Talim l'amena sur le terrain d'entraînement toujours au pas. Elle fit quelques tours de piste, flattant sa nouvelle amie sur son calme. Se sentant observée, elle prit le trot puis le galop. Les foulées de la jument se révelèrent aériennes et souples. Elle avançait rapidement sans gêner sa cavalière. Les cheveux aux vent, la jeune espionne ne put s'empêcher de sourire. Son plaisir était évident et les deux êtres semblaient en totale osmose.
Après quelques tours, elle la ramena à l'allure inférieure puis s'arrêta au centre du terrain. La femme se coucha sur l'encolure, ferma les yeux et entreprit de remercier sa nouvelle monture. La jument hennit à son attention et tourna vers elle son regard d'ébène.

Formidable. C'est tout ce que .Kylian arrivait à penser. Il passa sous une barrière de bois et arriva dans la carrière. Il se dirigea vers la jument et Talim qui ne faisait qu'un. Arrivé à leurs hauteurs, il regarda la jeune cavalière avec admiration. Le soleil se trouvait face à lui. .Kylian se placa dans l'ombre que Talim créait
Je vous en supplie, laissez-moi vous l'offrir. Vous ressemblez tellement à ma femme... elle est morte il y a deux ans maintenant quand la guerre faisait rage, depuis que je vous ai vu je n'ai pu empêcher ma mémoire refaire surface. Et laissez moi vous inviter à boire quelque chose en échange. Vous n'avez plus froid j'espère. Ha! j'oublié cette jument n'a pas de nom.

Talim regarda le jeune homme approcher rapidement. Lorsqu'il fut à son niveau, elle mit pied à terre. Il la complimenta chaleureusement ce qui la fit rosir de plaisir, monter à cheval était une seconde nature pour elle. Cependant sa bonne humeur fut douchée lorsqu'elle apprit la façon dont sa femme était morte. Elle lui lança un regard compatissant et posa sa main contre son épaule.

« Veuillez me pardonner de raviver de douloureux souvenirs en vous. »

Elle affichait un sourire triste. Ses pensées se dirigèrent alors vers la jument qui secouait la tête. Kylian avait prétendu qu'elle n'avait pas de nom. Talim réfléchit à une idée de nom, quelque chose de sombre et doux à la fois pour refléter le caractère de sa monture. Un nom s'imposa à elle, la jument ne pouvait porter que celui là. C'était l'évidence même. La jeune femme murmura presque sa réponse:

« Ombre de Lune... »

L'interessée dressa les oreilles, elle les pointa vers l'humaine et renacla doucement. Ce mot lui plaisait. Elle l'adopta rapidement à la grande joie de Talim. Cette dernière se rappela de la présence de l'homme et un sourire nouveau aux lèvres déclara:

« Me l'offrir... C'est un bien beau cadeau, cette jument est une perle rare. Vous êtes sûr ? Allons ailleurs pour en discuter sinon nous allons mourir de froid avant d'avoir conclut quelque chose ! »

Son rire éclata dans l'air et réchauffa son coeur.

Ils se dirigèrent vers le restaurant le plus proche des Ecuries. .Kylian n'était vraiment pas très riche... et l'achat de la jument ne lui laisserait que de quoi offrir à manger à Talim. Qu'importe, du moment qu'il passait même qu'une demie heure avec elle, il serait heureux. Arrivé là-bas, il fit asseoir Talim à une table. Il faisait une chaleur agréable .Une serveuse grande, aux cheveux blonds tipique de la région, plutôt belle mais rien de comparable avec Talim, vint à leur table.

Bonjour. Que désirez-vous?

Bonjour, cette jolie femme a très faim et elle est vraiment très assoiffée, pourriez lui servir le meilleur repas que vous avez? Demanda-t-il sans lacher une seule seconde l'attention sur Talim.

Et pour vous?

Rien merci, mais je n'ai pas faim

.
C'était faux, .Kylian mourait de faim et de fatigue mais il devait garder l'argent pour la jument.
Pendant qu'elle retournait préparer le festin, le jeune homme commença la discussion avec une voix qu'il voulut neutre. Qu'il voulut... elle était pleine d'émotion...
Alors, vous allez mieux? Dîtes-moi que vous souhaitez que je vous offre cet équidé, c'est comme si j'offrais un cadeau à ma femme... cela me procurerai un immense plaisir.

Après avoir ramené Ombre de Lune dans sa stalle et l'avoir pansée, Talim se dirigea en compagnie de l'homme vers une petite taverne. Il y faisait chaud et elle eut tôt fait de retirer les capes. Ils s'assirent à une table et aussitôt une femme à l'opulente chevelure blonde arriva vers eux. Elle jaugea discrètement l'espionne aux cheveux noirs ce qui l'agaça car elle avait remarqué le moindre de ses regards depuis leur arrivée. Prenant le parti de l'ignorer, la jeune femme répondit poliment à Kylian:

« Une soupe suffira amplement. »

La serveuse jalouse s'éloigna et le visage de Talim s'éclaira d'un bref sourire lorsqu'il souleva la question de la jument. Prenant un ton sérieux au possible, elle rétorqua sagement:

« Nous savons tous deux que c'est une merveille, elle vaut un bon prix que je paierais et que vous accepterez sans rechigner. »

Devançant les pensées de l'homme, son regard se durcit, devenant aussi acéré qu'une lame. Elle continua d'une voix neutre:

« Je déteste qu'on m'offre quelque chose sous prétexte que je rappelle quelqu'un. Surtout si c'est votre femme, ne le prenez pas mal. Avouez que vous avez besoin de cet argent ! »

Toute trace de douceur avait disparu de son visage d'albâtre.

« Cessez donc de vous inquiéter pour moi. Je suis assez grande pour me débrouiller seule et vous rappeller votre femme ne vous fera que souffrir plus. »

En une fraction de seconde, elle se radoucit. Sa colère se fondit en un sourire apaisé. Elle avait retrouvé sa grâce et son calme de panthère en un battement de cil, comme si elle eut souhaité lui faire comprendre qu'il ne devait plus jamais faire l'affront de s'oublier pour elle, pour la voir heureuse.
Talim tourna les yeux vers la petite salle, attendant la réponse de Kylian.

La nuit était tombée sans prévenir. .Kylian n'avait pas cessé de regarder Talim dans ses immense yeux d'un noir profond. Plongé dans son regard, son passé refit surface, dans une ferme avec sa femme et son fils en train de récolter les légume sous un soleil d'été. Plongé dans son regard, il buvait ses paroles. Plongé dans son regard, il ne vit pas la cuisinière déposer le repas à cette jeune femme. Plongé dans son regard, il n'entendit pas le cri qui perça la nuit. Plongé dans son regard, il ne perçut pas les quatre hommes armé entrant dans la taverne. Plongé dans son regard, il ne prêta pas attention à la serveuse affolée. Il ne retourna pas non plus à la réalité quand une main puissante se ferma sur son épaule droite en lui brisant presque un os. Il réapparut seulement lorsque les yeux de Talim ne croisèrent plus les siens.

Talim s'aperçut des intentions de ces inconnus bien avant Kylian. Ce dernier semblait envoûté par quelque chose dont elle n'arrivait pas à définir la nature tout simplement parce qu'il s'agissait de son regard. Elle fixa froidement les quatre hommes s'approchant à grands pas de leur table. L'un d'eux, celui qui semblait être le chef posa sa lourde main sur l'épaule du jeune homme.
L'espionne en profita pour jeter un coup d'oeil à ses acolytes. Bien bâtis, un regard haineux et convoiteur en passant sur elle, de véritables montagnes de muscles. Malgré qu'elle paraisse plus frêle, Talim n'en perdit pas moins son regard tranchant. Sans un bruit, elle glissa discrètement sa main dans ses cheveux et y récupéra une lame aussi acéré qu'un poignard et aussi fine qu'un cheveu. Un combat aurait peut-être lieu et mieux valait-il se tenir prêt.

« Kylian il me semble que cet homme veut vous parler. »

Ses paroles étaient teintées d'ironie, non pas à l'égard de Kylian mais pour ce puant qui osait les déranger.

.Kylian n'aimait pas se battre mais ces hommes ne lui voulait surment pas du bien. Avec le plus de finnesse et de force possible, il posa sa main gauche valide sur le bras de son agresseur et le tordit de tel sorte que l'homme se retrouva la tête sur la table et .Kylian derrière lui, debout.

Oui c'est pourquoi? s'exclama-t-il

C'est alors que les trois autres hommes armés se ruèrent sur lui en sortant leurs épées. .Kylian ne possédait pas la sienne sur lui qui l'avait tant aidé durant de maintes fois. Il n'en avait pas jugé l'utilité et avait pensé effrayé la jeunne femme si elle était sur lui. Maintenant il regrettait un peu. Il relacha le bras du premier en le poussant sur le côté. Les complices attaquèrent en même temps. Il se baissa à la dernière seconde. De justesse. Il assema un coup de pied comme une faux d'un paysant sur leur jambes. Ils perdirent quelques instants l'équilibre. Ne sachant que faire d'autre il percuta à une vitesse impressionnante celui qui se tenait au milieu.

La femme observait les intrus d'un oeil froid. Ils le lui rendaient bien en lui jetant des regards mauvais. Au fond de leur regard subsistait une certaine convoitise, les courbes de Talim ne les laissaient pas indifférents bien au contraire.
Toujours assise, elle finit par se lever à son tour. A deux c'était toujours plus facile. Elle se mit en position de combat, ne prenant même pas la peine de dégainer ses lames. Les hommes remarquèrent le changement chez elle. L'un deux s'approcha inexorablement d'elle, il n'eut pas le temps de la toucher. Sa jambe faucha la sienne puis avant qu'il ne touche le sol, elle lui envoya son pied en plein dans le plexus solaire. L'air lui manqua, il s'effondra.
Talim se releva et lança un regard luisant de colère aux assaillants. Ils étaient par terre mais allaient bientôt se relever. Elle bondit sur l'un d'eux et claqua sa tête par terre, il perdit connaissance. Deux de moins, mais c'était les moins coriaces. Restait le chef et un gros costaud dont l'intelligence semblait avoir la capacité d'une cuillère à café. Il n'en restait pas moins redoutablement puissant.
Maudissant son geste, la jeune femme envoya un de ses poignards à Kylian et lâcha d'un ton qui n'appelait aucune réponse, les yeux rivés vers le gros costaud.

« Attrapez ça ! Je me charge du balourd et vous de l'autre ! »

Le "balourd" sembla accepter ce plan et se rua sur elle, épée en avant. La serveuse étouffa un cri d'horreur. Il arrivait sur elle à une vitesse folle, elle fut plus rapide. Glissant le long de l'acier, elle para son coup avec agilité. Cependant il la prit en traitre et réussit à ouvrir une estafilade dans son dos. La douleur fusa, Talim retint un hurlement. Sa rage n'en fut qu'intensifiée, elle se retourna et fusilla l'homme du regard. Il passa à l'attaque une seconde fois, elle para son coup avec la même facilité mais prit garde à ne pas laisser son dos exposé. D'une torsion de reins, elle se rendit inatteignable et put porter son premier coup. La lame fusa vers la jugulaire. Elle fut déviée et atteignit l'épaule, creusant un sillon mortel.
Le balourd s'énerva, Talim esquivait ses attaques avec la vivacité d'un chat et virevoltait autour de lui comme un feu follet. Aussi insaisisable qu'un rêve, la jeune espionne réussit à le blesser au visage, aux bras et aux jambes.
Cependant ils fatiguaient tout deux, secrètement elle espéra que le chef demanderait le repli. Elle ne souhaitait tuer face à Kylian.

Pendant ce temps, .Kylian attrapa le poignard de Talim. Son équilibre était parfait. L'homme qui lui faisait face ne le laissa pas contemplé l'arme plus longtemps et passa à l'attaque. Il fut vite débordé car les coups de ses adversaires étaient précis, rapide et puissants à tel point qu'il se retrouva dos à un mur en très peu de temps avec un coup d'épée reçu sur un bras. Cependant, quand il vit le sang sur le dos son amie -Son amie? Ha si seulement!- il redoubla d'effort, esquiva un assaut qui aurait dû être le dernier, glissa le long de l'épée et se retrouva derrière son agresseur. Il ne voulait pas le tuer, c'est pourquoi il plia sa jambe gauche puis la tendit avec toute la force qu'il put. Le chef lui tournait le dos. Sans s'arrêter il s'y faufila et planta son poignard d'une telle sorte qu'il ne causerait pas la mort. L'homme tomba. .Kylian passa au-dessus et se dirigea vers Talim.
Oh! mon dieu vous êtes blessée, il faut vous soigner.

Seul restaient Kylian et Talim. Déjà les gérants de la petite auberge se chargeait d'évacuer les blessés à grands renforts d'injures. Regardant avec désespoir la scène, un mot parvint aux lèvres de la jeune femme.

~ Quel gâchis... ~

Elle se releva maladroitement, gênée par sa blessure dans le dos. L'épée n'avait qu'effleuré la peau mais elle y avait laissé une longue trainée de sang. Cette plaie guérirait rapidement, elle en était certaine.

La voix de l'homme attira son attention. Affolé à la vue de son dos, il lui conseillait de se soigner immédiatement. Agacée de se sentir sur-protégée, Talim posa un doigt sur la bouche de Kylian et répliqua d'un ton posé, parfaitement maîtrisé:

« Je guérirais vite, pas besoin d'herbes ni de pansements pour ça croyez moi ! »

Puis elle tendit sa main vers lui d'un geste presque autoritaire et déclara d'un ton plus froid.

« Mon poignard je vous prie. »

Elle en profita pour nettoyer la première lame où le sang avait taché l'éclat métallique.

.Kylian regarda la femme qui se tenait devant elle: ce n'était pas vraiment une jeune femme. Durant la guerre .Kylian avait vu beaucoup de morts et de blessés, il s'y était habitué bien que cela le dégoutait toujours autant. Talim ne pleurait pas. Certes, elle était écœurée mais ne pleurait pas. Il observa la scène et partit d'un pas pressé interroger le chef sur ses agissements après avoir rendu la lame. La salle était dans un désordre complet: des chaises et des tables renversées, des verres cassés... L'agresseur se tenait allongé et n'avait toujours pas été mis dehors avec les autres. .Kylian s'agenouilla près de lui et lui releva la tête avec délicatesse.

Que me vouliez-vous? déclara-t-il d'un ton neutre.

L'homme le dévisagea et il prit un temps de réflexion

Je ne suis qu'un messager
Un messager... un peu brutal pour un messager. Qui vous envoie?

L'homme resta muet.
.Kylian allait s'énerver quand la porte de la taverne s'ouvrit et la garde royale entra. Ils portaient tous un uniforme bleu, couleur de l'armée.

Que se passe-t-il ici? hurla leur commandant.

Sans attendre de réponse alors que .Kylian allait lui en donner, il dit à ses hommes

Bon allez, on embarque tout ça!

C'est alors que quatre gardes se dirigèrent vers .Kylian et Talim. Impossible de résister sinon ils auront toute l'armée sur le dos. De plus, tous les deux étaient déjà bien bléssés.

Lorsque le regard de Kylian se posa sur elle, la femme ne cilla pas. Un échange silencieux semblait se perdurer entre eux. Etait-ce le fait qu'elle ait tué avec un sang-froid déroutant qui troublait l'homme ou alors le fait qu'elle ne verse aucune larme ? Haussant intérieurement les épaules, Talim se détourna en même temps que lui. Elle évalua les dégâts dans la salle, la petite auberge ne ressemblait plus à rien.

Au même instant, la porte s'ouvrit sur le commandant de la garde royale. Levant les yeux au ciel, l'espionne allait s'approcher de lui mais elle n'en eut pas le temps. Deux gardes se dirigeaient, une lueur féroce dans le regard, vers elle. Calculant le nombre de chances qu'elle avait de s'en sortir vivante, Talim sauta sur le premier garde et le fit tomber à terre. Elle se reçut en pirouette et retomba sur ses deux jambes, comme un chat. Le deuxième garde dégaina son épée et chargea sur la jeune femme. Impressionée une seconde trop tard devant la puissance du soldat, elle recula et se retrouva acculée au mur.

L'homme s'avançait vers elle, triomphant. Il allait arrêter cette femme et cet homme pour avoir causé un désordre monstre dans la petite auberge. Il recevrait sa prime et pourrait pavaner devant ses amis. Tendant le bras vers la jeune femme dont les yeux le fusillaient net, il le sentit descendre sous le poids d'un énorme paquet blanc et noir. Il entendit un rugissement reconnaissable entre mille, un tigre était là. Sur son bras. Il recula terrorisé. Le félin blanc se plaça devant les deux personnes dardant sur la foule un regard décourageant. En entendant des voix plus fortes, il n'avait pas hésité et envoyé valser la porte pour sauver sa maîtresse. Dévoilant une dentition effrayante, il feula rageusement vers la foule.

Lorsqu'elle avait vu la porte s'effondrer, Talim avait faillit crier Kazan. La joie de le voir était pressée par un sentiment de soulagement. Elle n'aurait pas à se battre avec son dos blessé. Jetant un regard admiratif vers son Familier, l'espionne lacha d'un ton courtois mais frisant l'insolence:

« Vous n'embarquerez que les imbéciles qu'on a mis dehors. Ils sont seuls responsables de cette apocalypse miniaturisée. Questionnez donc les gens pour savoir... Commandant. »

Ils se défièrent du regard. Talim savait qu'elle avait raison, il voulait à tout prix l'embarquer. Il cilla, elle eut un éclat triomphant puis se détourna de lui et entraîna Kylian à l'extérieur.

Pendant que Talim se battait, toujours avec une agilité exceptionnellle, .Kylian ne cherchait pas à attaquer. Deux gardes étaient sur lui. Au dernier instant il recula sa jambe gauche: la plus solide -pour essayer de leur faire croire qu'il allait frapper-, et s'élança entre eux qui avaient reculer. Il réussit à passer et se retrouva devant le commandant. Le chef le dévisagea.

.Kylian? C'est toi? C'est bien toi? Mais je te croyais mort! Dit-t-il d'une voix nouée par l'émotion.

Le chevalier le connaissait bien, mais au premier regard, il avait hésité tant le changement était important.

Oui, c'est bien moi. C'est une longue et triste histoire que je vais te raconter. Demande d'abord à tes hommes de laisser cette femme tranquille, s'il te plait.
Très bien mais demande lui de garder sa bête éloignée des miens.

Sans répondre, il se dirigea vers Talim en espérant ne pas se faire mordre.
Il n'eut pas le temps de parler qu'elle l'emmena sous une nuit étoilée. Le chevalier regardait cette femme qui lui tenait le bras. Elle était tout simplement magnifique avec ces cheveux en pagaille à cause des affrontement qui venaient de se produire. Il s'arrêta net et elle fut obligée de se retourner vers lui.
Je suis navré pour votre repas mais il va être froid.