Un regard ne trompe pas (libre pour qui veut ^^)

Dans la rue, pas un bruit. La lune était haute dans le ciel, ronde, brillante. Seules les lumières de l'auberge du "Cavalier d'Or" témoignait de la vie active. Deux formes sombres s'avançaient, hésitantes. Avancer ? Reculer ? Rester sur place ? Non, avancer, elles avaient besoin de manger et dormir…

La jeune fille marcha jusqu’à la porte de la taverne. De là, elle entendait le brouhaha qui régnait dans la salle. Sur le mur à côté de l’entrée était affichée la carte des tarifs. Une faible lumière les éclairait, c’était suffisant pour l’adolescente. Les prix étaient corrects, elle poussa la porte en chêne.

La lumière vive de la grande pièce la fit cligner des yeux, et le brouhaha qu’elle entendait de dehors s’intensifia. La chienne remua la queue, elle aimait voir du monde. Alors qu’elle allait aller à la rencontre d’inconnus, sa maîtresse la retint en lui posant la main sur la tête. Enola, droite et fière, avança lentement entre les tables, sous les regards malsains des hommes soûls, accompagnée de sa chienne. La jeune fille arriva au comptoir, et s’adressa à un serveur.

- Je souhaiterai une table et une chambre.

L’homme la regarda un instant. Elle était jeune, très jeune, à peine quinze ans sûrement… Et elle s’adressait à lui d’un ton si sûr… Même pas un « s’il-vous-plaît », et sa requête ressemblait plus à un ordre qu’à autre chose. Pourtant, en voyant la pièce d’or que venait de déposer sa cliente sur le comptoir, il se dirigea vers une table libre, en fond de salle, la laissa s’installer, et lui proposa un menu. Enola jeta un rapide coup d’œil sur la carte avant de demander un morceau de viande saignante pour Luna et une salade pour elle-même.

A présent, elle avait la clé de sa chambre, située au premier étage. Une chambre simple où elle délogerait sûrement un rat… Mais elle s’en fichait, elle s’était déjà sûrement bien fait repéré comme ça par son âge et son or. Effectivement, avant de mourir ses parents lui avaient légués une grosse fortune…

La jeune fille mangeait tout en pensant à ce qu’elle ferait le lendemain, sa chienne se régalait à ses pieds, et aucune des deux ne voyaient l’homme étrange qui les observait d’un drôle d’œil…

[C'est moi l'homme ? Ou c'est un autre qui va t'embêter ? ^^]

Présente depuis plus de deux heures, la femme avait observé avec attention chaque individu dans l'auberge. Scrutant chaque visage, chaque expression, chaque geste pour retrouver celui qu'elle cherchait. Mais rien à faire, Loup Noir n'était pas revenu au Cavalier d'Or. Un soupir d'agacement s'échappa de ses lèvres minces et elle continua son observation silencieuse.

Capuchon rabattue sur sa tête, elle était invisible aux yeux des autres. Personne ne prêtait attention à elle, ce qui l'arrangeait bien. Elle nota l'entrée d'une jeune fille et d'un chien dans la soirée. Cette apparition l'intrigua, le feu brillait déjà dans les yeux de cette enfant. Le canin, docile, la suivait paisiblement. L'espionne décida de l'observer, il était rare de trouver une fille de son âge à cette heure-ci dans ce lieu parfois mal fréquenté.

Kazan, couché sous la table, dégustait son morceau de viande avec un immense plaisir. Ils étaient revenus depuis plusieurs jours mais jamais encore Talim ne lui avait offert si beau repas. Il faut dire qu'il l'avait énormément dans ses recherches de chevalier au loup blanc. Faisant craquer les os sous ses dents, il dressa la tête lorsqu'une odeur de viande tendre lui chatouilla le museau. Il se releva doucement mais le pied de sa maîtresse, habilement placé, l'empêchait de passer sans se faire remarquer de cette dernière. Feulant d'indignation, Kazan se rabattit sur son gibier et lança un regard furibond au-dessous de la table.

[Heu, faut croire que ce n'est pas toi ^^' On va dire que c'est un grand méchant pas beau !! XD
Désolée pour le retard de la réponse...]

Luna venait de finir de manger, et elle observait la salle. Durant son repas, elle n'avait guère prêté attention à ce qui se passait autour d'elle, mais à présent, elle ressentait un danger. Soudain, elle se mit à couiner plaintivement, sortant sa maîtresse de sa rêverie. Celle-ci caressa furtivement la chienne pour la calmer, mais cela ne suffit pas à apaiser l'animal.

Elle avait vu le tigre. Blanc, grand, puissant, il imposait le respect à ses congénères... Et la compagne d'Enola, bien qu'assez courageuse, hésita. Elle se releva brusquement, se cognant la tête contre la table, puis posa ses pattes sur les genoux de la jeune fille. Alors qu'elle lui léchait les mains pour attirer son attention, un homme assez proéminant se leva dans un raclement de chaise, et s'approcha de la table des voyageuses. Il fut accueilli par un regard dédaigneux emprunt d’un dégoût compréhensible. Barbe naissante, ventre bedonnant, veste sale, cheveux crasseux… Il avait tout l’air d’un badaud, et ses yeux sans vie laissaient croire un certain manque…

La chienne grogna un instant, mais la présence du grand félin accapara de nouveau son esprit. Enola, quand à elle, ne se rabaissa pas à regarder l’homme plus longtemps, et retourna à l’observation de sa salade, pensant à sa journée de demain. Malheureusement pour elle, l’inconnu jugea bon d’engager la conversation avec elle. Il s’assit à sa table, sous le regard malveillant de Luna, tenta de sourire, chose qui dévoila ses dents jaunâtres, et salua la jeune fille.

- Qu’est-ce qu’une demoiselle comme vous fait par ici ? Et seule, par la même occasion ?

Répriment un sursaut de dégoût, Enola grimaça en sentant l’halène fétide de l’étranger, mais elle n’eut pas le temps de répondre car sa chienne aboya sans prévenir. Elle profita de la diversion pour ne pas répondre à l’homme et s’occuper de sa compagne de toujours. Plaquant sa main contre sa tête, elle commença à lui parler doucement.

- Chut… Qu’y-a-t-il ? Qu’as-tu vu Luna ?

L’animal se calma un instant, tournant un regard suppliant vers sa maîtresse, puis reportant son regard vers la table où le tigre se trouvait. Ce fut à ce moment que la jeune fille remarqua ce qui dérangeait Luna.

En silence, Talim observait les moindres faits et gestes des voyageurs assis dans l'auberge. Par moment, elle croyait reconnaître Loup Noir mais ça n'était qu'une illusion de son esprit à chaque fois. Elle reprenait alors son observation des lieux. Kazan boudait sous la table, machonnant les restes du repas.

Soudain des paroles et des gestes attirèrent irrémédiablement l'attention de la jeune femme. La jeune fille et son chien les regardaient. De plus un homme pas très fréquentable semblait la harceler. Cette scène familière lui revint en mémoire comme un boulet de canon. La surprise lui donna un coup à l'estomac, elle se revoyait avec son père, quelques années plus tôt. N'hésitant pas sur la manière d'agir, contenant sa fureur à grand peine, Talim se leva de table et s'avança souplement jusqu'à l'homme.

Il était repoussant de laideur et de crasse. Elle réprima une envie de vomir et s'adressa à lui sur un ton glaçant.

« Elle n'est pas seule. »

Le malfrat se tourna vers elle, une grimace tordit son visage mal rasé et il prit la parole d'une voix mielleuse et horripilante:

« Deux demoiselles rien que pour moi, je suis chanceux ce soir ! »

Il éleva sa main poisseuse pour attraper la fille mais avant même d'avoir pu la toucher, son bras fut dévié par la main blanche de Talim qui répliqua froidement:

« Je ne ferais pas ça si j'étais toi... »

L'inconnu suivit le regard de la femme et pâlit. Un tigre blanc aux crocs menaçants se tenait à côté d'elle. Sa rage et son envie de tuer étaient visibles à des kilomètres. Il feula méchamment ce qui fit blanchir un peu plus l'homme. L'espionne continua sur un ton plus neutre.

« Elles sont avec moi, la chienne et l'enfant aussi je te déconseille de t'en approcher si tu ne veux pas finir en steack dans la gamelle de Kazan. »

Son regard se baissa pour désigner le félin puis elle reporta son attention sur l'étranger. Il balbutia un charabia puis s'éloigna en maugréant des vengeances.
Talim se tourna alors vers la jeune fille, elle lui jeta un regard indifférent puis elle retourna à sa table. Ce qui comptait pour elle ce soir, c'était d'avoir empêcher que son passé se déroule à nouveau sous ses yeux. La fille et la chienne étaient sauve, c'était tout ce qui comptait. Le tigre abaissa la garde et sans jeter un seul coup d'oeil au chien soyeux, repartit sous la table de bois terminer son repas.

Alors que l’homme se rapprochait peu à peu d’elle en faisant racler sa chaise contre le sol dallé, Enola vit une femme se lever pour se diriger vers eux. La jeune fille détourna aussitôt son regard, et fixa son assiette. Malheureusement, l’inconnue se campa devant la table… Son tigre à ses pieds. Luna ne savait plus que faire, et lorsque le félin gronda, elle se remit à couiner. Sa maîtresse tenta de l’apaiser, mais rien à faire.

Un échange de paroles se déroula entre le malfrat raté et la femme. Bref. Convaincant. Ce fut à ce moment là qu’elle décida de relever la tête. La jeune fille allait répliquer à son tour, mais l’étrangère était déjà retournée à sa table, suivit de près par son tigre blanc. La chienne se calma enfin. Un serveur s’approcha de la table pour savoir si elle avait fini de manger, mais Enola ne daigna même pas lui adresser la parole, et se leva.

Sa direction ne fut non pas l’escalier qui menait aux chambres, mais la table voisine, celle de la femme qui avait chassé son gêneur. Luna marchait derrière sa maîtresse, mais avec moins d’assurance qu’elle, les yeux fixés sur le pelage blanc rayé de noir du grand félin. La jeune fille resta debout, les bras croisés, et d’un ton froid s’enquit des faits.

- Pourquoi êtes-vous intervenue ?

Ses yeux noisette s’étaient assombris et elle se tenait droite. La jeune fille s’était presque sentie humiliée que quelqu’un vienne la défendre, chose qu’elle aurait pu aisément faire toute seule… Selon elle.

Du coin de l’œil, elle se rendit compte que l’énergumène qui avait osé l’aborder tout à l’heure les épiait, mais celui-ci, se sentant observé détourna bien vite le regard. Luna finit par reprendre de l’assurance, et elle s’assit à côté de sa maîtresse.

Anderval jeta les rênes par dessus l'encolure de sa monture, sauta lestement à terre, manqua de s'étaler sur le sol pavé, fit trois pas en avant, deux en arrière et finit par tenir plus ou moins debout. Il leva les yeux vers le ruban de bois qui surmontait la porte, et ou était inscrit en lettres d'or:

"Le Cavalier d'Or"

Il se demanda un instant d'où venait ce nom, qui était toutefois plus attrayant que celui de l'Antre des Veilleurs. Les possibilités lui paraissant indénombrables, il se décida à entrer et à abandonner cette tâche passionante autant qu'inutile. Quitte à questionner à l'aubergiste. L'aubergiste est un personnage sympathique: tous les aubergistes aiment parler. Parler, et boire. Il dut se baisser pour franchir le seuil de la porte.
Rapidemment, son regard d'or parcourut la salle, détaillant chaque visage, chaque expression, et nota parmi tout ce petit monde assez banal un chien, et un gros tas de fourrure. Etrange, ces femmes qui voulaient toujours entasser les manteaux de fourrure, de plus en plus épais, de plus en plus affreux selon lui, mais enfin ... Il remarqua alors que dehors le soleil brillait et ...L'immense fourrure blanche bougea, et Anderval vit un oeil.

*Un OEIL ?*

C'était vivant ! Anderval regarda sa propriètaire, incrédule. Il s'éloigna imperceptiblement du tigre. Il hésitait à prendre ses jambes à son coup, ou à aller s'installer tranquillement à l'autre bout de la salle. Ses jambes n'avaient pas l'air de vouloir le porter plus loin. Il tira donc une chaise et s'assit. Les gens n'avaient pas l'air de se préoccupper beaucoup du tigre. Mis à part qu'il y avait un sorte de périmètre de sécurité autour de la jeune femme et de son animal. Anderval nota par ailleurs que ce perimètre n'était pas complètement vide, puisque une adolescente y était campée. Il pensa que ce devait être la maîtresse du chien. Elle devait être plus raisonnable que celle du tigre. Anderval avait toujours eu beaucoup de préjugés, et aujourd'hui encore, cet aspect de sa personnalité n'était pas démenti.

L'adolescente semblait attendre une réponse. Laquelle ? Eh bien, il allait sans doute le savoir d'un moment à l'autre. Il attendit, attentif.

Une fois assise à sa table, Talim pensait en avoir fini avec cette histoire mais la jeune fille n'en avait pas décidé ainsi. Elle s'approcha avec sa chienne tremblante. L'espionne se contenta de fixer la fenêtre face à elle puis elle lâcha froidement en réponse:

« Il t'aurait fait quelque chose que je ne pouvais permettre. »

Son regard se dirigea alors vers la fille. Elle devait avoir quinze ans tout au plus et l'air supérieur qu'elle arborait agaçait royalement Talim. Aussi décida t'elle de ne pas s'attendrir devant le visage angélique de cette jeune fille.
Kazan loucha vers la chienne puis il dévoila des crocs impressionants pour l'intimider un peu. Il adorait s'amuser à faire peur.
L'espionne retourna à son observation de la pièce. Les gens continuaient leurs occupations sans se soucier de l'accroche qui avait eu lieu tout à l'heure, ils avaient déjà oublié. Le crasseux n'avait pas oublié lui, préparant soigneusement sa vengeance en conversant avec un de ses sbires. Voyant cela, Talim se promit de le surveiller plus ardemment.

Sous la menace des crocs du tigre, la chienne préféra aller faire un petit tour ailleurs, afin de chercher un petit bout de viande qui trainerait par ci par là. Elle s'éclipsa rapidement et balaya la salle du regard. Après avoir fait son choix, elle se dirigea vers une table où un couple dînait, à l'opposé du grand félin, s'assit près de la femme, qui, selon elle, s'attendrirait sûrement plus facilement, et commença à faire les yeux suppliants. Au départ, la personne ne la remarqua pas, alors Luna posa son museau sur sa jupe. Le résultat ne se fit pas attendre, mais la réaction escomptée ne fut pas la bonne. Un cri, plutôt qu’une caresse, fit fuir la chienne effrayée. Personne n’y fit vraiment attention, le brouhaha de fond atténua le braillement.
Décidemment, ce n’était pas sa soirée… Pourtant, elle n’abandonna pas, et chercha une autre table. Faisant un grand détour pour ne pas croiser le malotru de tout à l’heure, elle s’arrêta enfin à côté d’une nouvelle chaise, et fixa l’homme, qui semblait plus d’attention à sa maîtresse et à l’autre femme qu’au chien qui bavait à ses pieds. Boisson ou nourriture, tout lui convenait, hors Luna faisait un peu au hasard car avec toutes les effluves qui sortaient de la cuisine, qu’elle n’osait pas approcher à cause des allées et venues, l’animal ne se rendait pas compte de ce qui se trouvait ou pas sur les tables, s’il y avait quelque chose… Pour attirer son attention, elle couina un instant.

Entre temps, Enola était toujours campée devant l’inconnue, et n’avait pas l’intention de partir. Elle n’avait pas vraiment de raison de rester, mais peut-être recherchait-elle une quelconque compagnie… Bien qu’elle ne se l’avoua jamais… La jeune fille décroisa les bras tout en fixant son interlocutrice, qui elle, semblait vouloir échapper à son interrogatoire…

- J’aurai très bien pu me débrouiller toute seule !

La demoiselle capricieuse ne supportait pas de recevoir d’aide d’étrangers, même de personnes qu’elle connaissait d’ailleurs…

- Et puis, que croyez vous qu’il allait me faire ? En plein public en plus ?

Elle avait un peu baissé le son, mais le ton était toujours aussi sûr et ferme. La jeune fille préféra ne pas faire attention au tigre blanc qui dévoilait ses crocs, et attendit, debout, une réponse.

Plus loin, Luna en était toujours au même point, la queue battante, attendant signe de vie de l’homme étrange.

Anderval écoutait, et son regard allait tantôt à la jeune femme aux yeux sombres, tantôt à l'adolescente et de temps en temps, il jetait un coup d'oeil à l'homme dont il semblait être question dans la conversation. Soudain, il s'aperçut qu'une patte était posée sur sa botte. Ses yeux dorés rencontrèrent ceux de l'animal, qui paraissait attendre quelque chose. Bien qu'il n'eut jamais cru les chiens doués de parole, ni même quelconque autre bête, il se surprit à murmurer :

"Que veux-tu ? Je n'ai rien pour toi."

Et pour une fois, il disait vrai. Le chien le regardait toujours, ses yeux suppliants levés vers Anderval.

"Si je te donne un morceau de viande, tu feras ce que je te demanderai ?"

*Mais qu'est-ce que je raconte ?*

Le chien couina, Anderval décida de prendre cette forme de réponse comme un assentiment. Il sourit légèrement, et alla demander quelquue chose à l'aubergiste. Il revint quelques instants plus tard avec un os.

"Désolée ma belle ! Enfin, si t'es une femelle. Et puis, si t'es un mâle, eh bien tu te passeras volontiers d'excuses."

Un large sourire étira ses lèvres.

"J'ai trouvé que ça, pas les moyens pour un bon beefsteak !"

Il posa l'os devant l'animal.

"C'est pas ca qui va te rassasier, pas vrai ?"

Il sortit ensuite un bout de bois orangé d'une poche, un couteau aiguisé et se mit à le tailler. Ses gestes étaient précis et sûrs, on aurait pu croire qu'il faisait cela depuis ses 2 ans. D'ailleurs, ca n'était pas si loin de la vérité. Parfois, il levait les yeux de son travail pour regarder les deux protagonistes, car il lui semblait à présent que l'adolescente était en contradiction avec la jeune femme.
La figurine prenait peu à peu forme, et sous les mais habiles du jeune homme, elle s'était transformée en une représentation fidèle du chien qui était allongé à ses pieds. Ou, plus exactement, sur ses pieds. Il prit une ficelle dans sa poche (Que de ressources en une seule personne !), et la tressa de manière à former un collier assez épais. Ayant pris soin de faire une incison dans la figurine, et passa la ficelle à l'intérieur et enfin contempla son oeuvre. Le modèle réduit du chien semblait prêt à s'animer.
Enfin, il passa le collier autour du cou du chien , fit un noeud peu serré et caressa l'animal. C'était du plus bel effet.
Il sourit.

L'orgueil de la jeune fille fit sourire Talim. Elle était trop sûre d'elle et cela pouvait lui coûter jusqu'à sa vie. Mais comment l'expliquer à quelqu'un qui refuse d'entendre ? Mission impossible, ses parents en avaient fait les frais en voulant lui inculquer les bonnes manières. La jeune femme s'était rebellée tant et plus qu'ils avaient abandonné. Du moins pour le moment, son père avait fait venir un précepteur pour éduquer cette fille renégate.

Repenser à son passé lui fit moins de mal qu'avant et elle le nota avec soulagement. L'ombre qui autrefois planait au-dessus d'elle semblait s'estomper peu à peu avec le temps.
Toujours assise, Talim planta durement son regard dans celui de la fille et répliqua froidement:

« La foule ne gêne pas les pervers et, pardonne moi mais, ce n'est pas une fille de ton gabarit qui peut espérer tenir tête à un homme dont les seuls pensées sont dirigées vers les courbes d'une femme. »

Kazan remballa ses crocs et observa mollement la salle. La petite chienne froussarde avait disparu, il allait s'ennuyer pendant la conversation de sa maîtresse et de l'autre fille. Le tigre posa sa tête contre ses pattes et ferma les yeux, s'enfonçant lourdement dans le sommeil.

Quand l’homme lui offrit un os sur lequel quelques lambeaux de viande étaient encore attachés, Luna ne se fit pas prier et arracha presque le reste des mains de son bienfaiteur. Trop occupées à s’acharner sur sa maigre pitance, elle ne se soucia pas de ce qu’il faisait au dessus d’elle. Enfin, quand elle releva la tête, ce fut pour se faire accrocher un collier, chose qu’elle n’avait jamais porté. Son premier geste fut un pas de recul, et la chienne tourna la tête vers sa maîtresse, pour savoir que faire… Mais apparemment, celle-ci paraissait trop absorbée par sa discussion à l’autre table. L’animal observa alors de nouveau l’individu. Un sourire était affiché sur son visage, et il l’avait caressé, c’était donc signe qu’elle pouvait continuer de porter le pendentif, puisqu’il était content… Même si c’était lui qui lui avait offert…
Pour remercier l’homme de lui avoir offert l’os, Luna lui lécha la main, y laissant par la même occasion un peu de bave (c’était obligé !), puis repartit vers la jeune fille.

Celle-ci ne se rendit pas compte que sa compagne l’avait rejointe, du moins pas pour le moment. Enola répondit sèchement, tout en continuant de fixer son interlocutrice :

- Vous ne me connaissez pas, vous ne devriez pas me sous-estimer.

Pourtant, l’adolescente ne put s’empêcher de jeter un regard vers le malfrat, et s’aperçut qu’il discutait avec d’autres hommes de son gabarit. Cela tira une grimace à Enola, et elle se tourna à nouveau vers la femme aux cheveux sombres. Avec un grand soupire, car elle n’aimait pas se résigner à cela, elle déclara enfin :

- Mais bon, je suppose que je dois vous remercier…

On ne saurait dire pourquoi elle consentait à un éventuel remerciement, mais il fallait dire qu’elle était parfois mystérieuse…

La chienne, voyant que son retour n’avait pas été remarqué, poussa les jambes de sa maîtresse pour se faire voir. Quand celle-ci se retourna avec surprise, elle caressa Luna avec un grand sourire, mais sa main s’arrêta à l’emplacement de la cordelette. La jeune fille observa un instant la figurine, puis, la trouvant à son goût (le bois était très bien sculpté) laissa le collier au cou de sa chienne. Pourtant, elle devait satisfaire sa curiosité, et, oubliant presque l’inconnue qui l’avait apparemment sauvée, elle s’adressa à sa compagne à quatre pattes tout en regardant plus en détail la salle de l’auberge.

- Qui t’as donné ça, hein ?

Luna se contenta d’agiter la queue avec joie.

Anderval baissa légèrement la tête, voilant ainsi l'éclat qui brillait dans ses yeux d'or. Il avait réussi à détourner l'attention de la
jeune elfe de son interlocutrice.
Il recut soudain une main rude sur son épaule. C'était l'homme dont parlaient l'elfe et la jeune femme.
Il se laissa tomber sur une chaise en face d'Anderval. L'interrogation de ce dernier se lisait dans son regard, mais l'homme ne daigna pas y répondre.

"Que me vaut l'honneur de votre présence ?"

Le ton du jeune homme était ironique, et cela n'avait pas l'air de plaire à son interlocuteur au visage renfermé. Ses cheveux épais et en bataille cachaient à moitié son front court et ses yeux durs, que des cernes venaient souligner. Il portait une barbe sombre, et la manière dont il était vêtu en disait long sur ses intentions. Surtout l'épée lourde qu'il portait à la ceinture.

"Meldar, Khaz !" beugla-t-il.

Deux autres hommes le rejoignirent. Si leurs accoutrements n'avaient pas été différents, on aurait pu croire à des clones tant ils ressemblaient au premier homme.
Anderval passa une main derriere son dos discretement, vérifiant ainsi si son bâton était toujours là. L'aubergiste avait du prévoir ce qui allait se passer, car il n'était plus visible.
La serveuse avait également disparu, et la salle ne paraissait pas s'être aperçut de ce qui se tramait à la table d'Anderval. Le jeune homme trouvait la situation plutôt inquetante, et, à vrai dire, être ailleurs en cet instant précis ne lui aurait pas déplu. Mais s'enfuir maintenant accélérerait probablement les choses. Et ce n'était pas ce qu'il voulait.

"Il veut savoir s'qu'on fout là, les gars ! Eh bha il va bientôt être mis au courant !"

Les trois hommes éclatèrent de rire, et Anderval eut un mouvement de recul malgré lui.

"Là, tout doux l'ami, on va pas te manger ! Enfin pas tout de suite du moins ..." ajouta-t-il plus bas.

Il eut un regard qui entendait bien plus de choses qu'Anderval n'eut voulu savoir. Peu à peu, d'autres hommes du même acabit s'étaient rapprochés. Presque toute la salle en fait, constata Anderval avec une mine peu réjouie. Venaient ils pour assister à ce qui allait se passer, ou bien pour prêter main forte à l'homme barbu et à ses acolytes ?
Un cercle s'était formé autour des quatre homme.
Aujourd'hui, c'était lui qui assurait le spectacle.